Définition des pénalités de retard au sens du droit des marchés publics

Le maître d’ouvrage publique a la possibilité d’appliquer les pénalités de retard pour contraindre son cocontractant à exécuter ses obligations contractuelles.

Les pénalités de retard (qui sont fixées contractuellement) sont applicables du simple constat de l’inexécution sauf disposition expresse contraire mentionnée dans le marché public.

Dans le cadre de sa décision en date du 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a rappelé, à l’aune d’un considérant de principe, ces éléments : « Les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi » (CE, 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au recueil, n° 392707).

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La reconnaissance de la possibilité de moduler des pénalités de retard dans le cadre des marchés publics

Compte tenu de l’importance des contentieux relatifs à l’application des pénalités de retard, le juge administratif a admis la possibilité de procéder à la modulation des pénalités de retard dans sa fameuse décision « OPHLM de PUTEAUX » : CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux. 

Dans le cadre de cette décision, le Juge administratif a ainsi jugé : « (…) qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 (nouvellement article 1231-5 du même code) du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché »

Pour rappel, l’article 1231-5 du code civil prévoit : « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ».

Au cas d’espèce, le montant des pénalités de retard était de 150.000,00€ alors même que le montant du marché était de 270.000,00€. Les pénalités représentaient ainsi plus de 56% du montant du marché.

Estimant le montant des pénalités excessif, le Conseil d’Etat a décidé de suivre la décision de la cour administrative d'appel de Paris qui a retenu une méthode de calcul fondée sur l'application d'une pénalité unique pour tous les ordres de service émis à la même date, aboutissant à des pénalités d'un montant de 63 264 euros.

Sous quelles conditions, peut-on envisager une modulation des pénalités de retard dans le cadre des marchés publics ? 

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser les conditions permettant la modulation des pénalités de retard dans le cadre des marchés publics en délivrant une véritable grille d’analyse.

Dans le cadre d’une décision rendue le 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a complété l’apport de la décision OPHLM PUTEAUX tout en précisant le régime applicable aux pénalités de retard dans le cadre des marchés publics (CE, 19 juillet 2017, Société GBR Ile-de-France c/Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au recueil, n° 392707).

La condition sine qua non pour obtenir la modulation des pénalités de retard est la suivante : la démonstration du caractère excessif des pénalités.

Le caractère excessif des pénalités de retard dans le cadre des marchés publics est apprécié en tenant compte des éléments suivants :

  • 1er élément : Le montant du marché public
  • 2ème élément : La part du montant du marché public que représentent les pénalités de retard retenues
  • 3ème élément : L’ampleur du retard dans l’exécution du marché public.

C’est, en ce sens, que le Juge administratif a précisé dans sa décision rendue le 19 juillet 2017 susvisée que : « (…) si, lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations ».

Un seuil d’environ 25% du montant du marché semble avoir été retenu par la jurisprudence. A titre illustratif :

  • CAA de Marseille, 21 janvier 2019, la société AD2I Ingénierie c/ Centre hospitalier de Montfavet, n°16MA00097 : « 7. Il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché. En l'espèce, le montant du marché après avenants s'élève à 326 919,90 euros. Les pénalités applicables représentent 11 % du montant du marché et 41 % de la part destinée à rémunérer la mission de direction des contrats de travaux (DET), fixée par l'acte d'engagement à 26,5 % du forfait de rémunération, soit 86 633,77 euros et dont la vérification des décomptes finaux et l'établissement des décomptes généraux sont un élément. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le montant des pénalités, ramené à 35 450 euros, est manifestement excessif au égard du montant du marché. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réduire le montant de ces pénalités en deçà de cette somme ».
  • CAA de Versailles, 7 juin 2018, n°16VE03140-16VE03187, Société Migo Aménagement c/ Etablissement public de gestion du quartier des affaires de la Défense (Defacto) : « 22. Considérant, enfin, que le groupement ne fournit aucun élément, relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure les pénalités de retard appliquées présentent selon lui un caractère manifestement excessif ; que la seule circonstance qu'elles représentent près de 42 % du montant HT du marché exécuté ne suffit pas à établir leur caractère manifestement excessif ; qu'elle ne représentent d'ailleurs qu'environ 25 % du prix global et forfaitaire du marché .
  • CAA Paris, 6 juillet 2020, société Barachet c/ CCI Nouvelle-Calédonie, n°18PA04041 : Dans le cadre d’une décision rendue le 6 juillet 2020, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré que des pénalités évaluées à 10% du prix du marché n’étaient pas excessives : « 13. La société Barachet demande, à titre subsidiaire, que les pénalités soient limitées à la somme de 11 217 454 francs CFP dès lors que leur montant est particulièrement excessif et obère la survie de l'entreprise dans le contexte extrêmement difficile en Nouvelle-Calédonie, pouvant conduire à sa liquidation. Toutefois, la somme de 21 758 689 francs CFP HT au titre des différentes pénalités (12 990 000 francs CFP au titre de la levée tardive des réserves et 8 768 689 francs CFP au titre des pénalités de retard) qui correspond à environ 10 % du prix du marché, n'est pas manifestement excessive au regard du retard de 82 jours retenus dans l'exécution des prestations, alors que la société Barachet ne fournit aucun élément relatif aux pratiques observées pour des marchés comparables et n'établit, en tout état de cause, pas que l'application de ces pénalités entraînerait les difficultés qu'elle allègue. Il s'ensuit que les conclusions subsidiaires de la société Barachet doivent être rejetées » 

A noter : Le Juge ne rectifiera le montant des pénalités de retard que pour procéder à la correction de leur caractère manifestement excessif comme cela ressort de la décision de la Cour administrative d’appel de Nancy en date du 27 décembre 2019 aux termes de laquelle le Juge a jugé excessif le montant des pénalités : « 38. En deuxième lieu, les pénalités pour retard dans la remise des documents d'un montant de 427 890 euros HT représentent près de 91% de la rémunération prévisionnelle du maître d'œuvre fixée par l'acte d'engagement à 470 467,95 euros. 

39. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit, le groupement de maîtrise d'œuvre a remis les documents du marché avec un très grand nombre de jours de retard. Cependant, il résulte également de l'instruction que le chantier consistant en la rénovation de trois bâtiments du XVIème siècle était particulièrement complexe et a nécessité un nombre important de modifications et d'ajustements en cours de travaux pour concilier la préservation du caractère remarquable des bâtiments avec l'adaptation à son usage futur. Le retard global des travaux a ainsi été contenu à une durée de treize mois.

40. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, le montant des pénalités infligées au groupement de maîtrise d'oeuvre apparaît manifestement excessif. Ainsi qu'il est dit au point 27, le requérant ne conteste pas 344 jours de retard. S'agissant des 1 475 jours de retard dans la remise de documents en phase EXE, il sera fait une juste appréciation de ce retard, eu égard aux caractéristiques particulières du marché litigieux mentionnées au point précédent, en retenant un nombre total de 885 jours de retard pour cette phase, soit 1 229 jours de retard au total dans la remise des documents. Le montant des pénalités pour retard dans la remise de documents doit, en conséquence être fixé, au regard de la rémunération prévisionnelle du maître d'oeuvre prévue par l'acte d'engagement, à la somme de 289 102 euros hors taxes. Cette somme correspond à ce qu'implique la correction du caractère manifestement excessif du montant des pénalités pour retard dans la remise de documents » (CAA de Nancy, 27 décembre 2019, M.H.C c/ Communauté de communes de Barr-Bernstein, n°18NC01947)

Quelles preuves apporter pour caractériser le caractère excessif des pénalités de retard dans le cadre des marchés publics ?

La décision précitée en date du 19 juillet 2017 précise également les éléments de preuve attendus par le Juge administratif : « tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. » (CE, 19 juillet 2017, Société GBR Ile-de-France c/Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au recueil, n° 392707).

Le juge administratif se livre à une véritable appréciation in concreto en procédant à une analyse minutieuse des allégations et des échanges rapportés par les titulaires des marchés publics (En ce sens : CA Bordeaux, 30 décembre 2019, SNC DLE Outre-Mer c/ La régie communautaire de l'eau et de l'assainissement de la communauté d'agglomération des communes du centre de la Martinique n°18BX01947 ; CAA de Douai, 31 juillet 2019, SARL Normandie Alu c/Métropole Rouen Normandie, n°17DA00701).

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Le décompte des pénalités de retard peut être contesté tout comme le décompte général définitif établi à l’issue de l’exécution des marchés publics.

Références :

  • CAA Paris, 24 juin 2019, société GBR ILE DE France c/ Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (CHIPEA), n°17PA02639
  • CE, 2 décembre 2019, Société Serin Constructions métalliques c/ Région Midi-Pyrénées et la société de construction et gestion Midi-Pyrénées (COGEMIP) à n°422615

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