La nature des désordres : éléments dissociables de l’ouvrage et impropriété à destination

A titre liminaire, il est rappelé que le régime de la garantie décennale applicable aux marchés publics est défini par les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 de ce code.  Les désordres doivent présenter deux caractéristiques pour rentrer dans le cadre de la garantie décennale :

  • En premier lieu : la gravité des désordres : Leur importance doit être de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage construit ou à le rendre impropre à sa destination ;
  • En second lieu : les désordres ne doivent pas résulter d'une malfaçon qui aurait pu être décelée le jour de la réception des travaux. La responsabilité décennale des constructeurs ne peut, en principe, être engagée pour des vices apparents, c'est-à-dire dont l'existence était, ou aurait pu être connue par le maître de l'ouvrage, et dont les conséquences étaient normalement prévisibles.

Plus spécifiquement, concernant les éléments d’équipements dissociables, il est considéré, de jurisprudence constante, conformément à l’article 1792 du Code Civil, que la garantie décennale ne peut être mobilisée pour les éléments d’équipements dissociables de l’ouvrage que dans la mesure où ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination. Dans un arrêt récent rendu le 12 juin 2020, le juge administratif a retenu le caractère décennal des désordres affectant les deux tiers du parquet d'une salle communale qui rendent impossible l'usage contractuellement prévu et créent un risque pour la sécurité des usagers (CAA Nantes, 12 juin 2020, n° 18NT01614). Des seules complications dans le fonctionnement d’un élément d’équipement sans démonstration de l’impossibilité d’utiliser l’ouvrage dans des conditions « normales » ne sont pas susceptibles d’engager la garantie décennale (CE, 9 novembre 2018, n° 412916). 

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La réception : il faut réceptionner pour engager la responsabilité décennale des constructeurs ou, à tout le moins, caractériser une réception tacite

La mobilisation de la garantie décennale est, en effet, conditionnée à la réception des ouvrages. La cour administrative d’appel de Nancy a eu l’occasion de rappeler que la prise de possession des lieux ne suffisait pas à caractériser la réception tacite dans la mesure où de nombreux désordres persistaient.

En l’absence de caractérisation de la réception de l’ouvrage (même tacite), la garantie décennale ne peut être recherchée : « si la collectivité doit être regardée comme ayant pris possession de l'ouvrage, il ne ressort pas de l'instruction que, compte tenu notamment de l'importance des travaux de finition ou de reprise de malfaçons qui demeuraient à exécuter, les parties aient eu la commune intention de procéder à cette date à une réception tacite de l'ouvrage. Il ne ressort pas davantage de l'instruction qu'elles aient eu ultérieurement cette intention ».  De fait, la cour considère « qu’aucune réception n'étant intervenue, la responsabilité des constructeurs ne pouvait pas être recherchée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil ».

La prise de possession de l’ouvrage et le paiement intégral suffisent à caractériser la réception tacite

Le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite » comme le rappelle la cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 juin 2020. Ces critères avaient déjà été rappelés dans le cadre d’une décision rendue le 30 janvier 2019.

Le désordre futur et certain apparu dans le délai d’épreuve relève de la garantie décennale

Dans un arrêt rendu le 25 juin 2020, la cour de cassation a eu l’occasion de préciser que le désordre, qui relevait d'un processus de décomposition constant (privation de la fonction d’étanchéité à l’air des couvertures des maisons individuelles) rendait les maisons impropres à leur destination. En l’espèce, les désordres affectaient les ardoises des toitures de plusieurs maisons individuelles. Ces désordres sont apparus après réception et ont été considérés dans le cadre de l’expertise judiciaire comme étant des désordres futurs certains insusceptible de se stabiliser dans le temps.

Il n’est pas possible d’inclure une clause de non recours dans le cadre d’un contrat de vente

La Cour de cassation considère sans effet toute clause de non recours inclut dans le cadre d’un contrat de vente conformément à l'article 1792-5 du Code civil qui prévoit que toute clause d'un contrat qui a pour objet d'exclure ou de limiter la responsabilité décennale, ou encore d'en limiter la portée, est réputée non écrite.  Ainsi, ne peuvent être insérées de telles clauses de renonciation à recourir contre les constructeurs au titre de leur responsabilité décennale ou au titre de la garantie de bon fonctionnement. Il ne saurait donc être dérogé, même indirectement, à cette règle dans un acte de vente. La Cour avait déjà écarté une telle clause dans une police de responsabilité décennale qui excluait les désordres portant atteinte à la destination de l'ouvrage (Cass. 3e civ., 4 février 2016, n° 14-29790, Bull.). Le caractère d'ordre public de l'article 1792-5 du code est ainsi fermement réaffirmé.

Actualité jurisprudentielle relative à la caractérisation des désordres de nature décennale et à la mobilisation de la garantie décennale :

  • Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n° 18-22983

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